Interview avec Armelle Zas

Armelle Zas est passionnée par la traduction. Elle en a fait son métier, et s’y consacre également de manière bénévole sur Freelang, en allemand et en anglais. Une passion qu’elle nous fait partager…

Propos recueillis par Beaumont
Interview publiée le 5 avril 2002

Toutes nos interviews

Armelle, vous êtes traductrice sur Freelang depuis plus de deux ans et demi, vous êtes donc une “ancienne” ! Mais vous n’êtes pas seulement traductrice bénévole, vous êtes également traductrice professionnelle. Etes-vous spécialisée dans un domaine particulier ?

Non, pas vraiment. J’ai commencé à traduire comme indépendante en 1992 et j’ai effectivement tenté de me spécialiser. Mais j’ai vite constaté que si je voulais avoir suffisamment de travail, je ne pouvais pas me permettre de refuser un contrat, je me suis donc spécialisée pour chaque traduction, les thèmes sont donc toujours différents. Mes points forts sont cependant la technique, le sport, l’alimentation. Ceci dit avant d’accepter un contrat, je demande un extrait afin de mieux cerner le sujet, mais surtout pour savoir si je serai capable d’honorer le contrat dans de bonnes conditions.

Certains traducteurs, amateurs, sont inscrits sur Freelang pour avoir l’occasion de pratiquer une langue ou pour faire leurs premières armes en matière de traduction. Nous comptons cependant de nombreux traducteurs professionnels, selon vous qu’est-ce qui les motive ? Est-ce parce que leur métier est avant tout une passion ?

C’est une passion ! Notre motivation est liée au défi de trouver la bonne réponse, une traduction c’est un peu comme un puzzle, un casse-tête chinois… et les férus ne s’arrêtent que lorsqu’ils ont trouvé la solution ! C’est à chaque fois une nouvelle aventure.

On me demande souvent quelles études ou quel parcours il faut suivre pour devenir traducteur. Pourriez-vous donner quelques conseils à nos lecteurs ?

Non, pas vraiment de conseils, devenir traducteur ce n’est pas seulement avoir réussi ses examens. La traduction représente un apprentissage constant. Les langues évoluent, de nouveaux produits, de nouveaux procédés apparaissent sans cesse sur les marchés, le traducteur vit “en formation continue”. Je pense que des études parallèles sont un atout majeur, par exemple un doctorat en droit plus une langue étrangère dans le même domaine parfaitement maîtrisée semblent une bonne voie. Ceci dit lorsque je m’entretiens avec mes collègues je m’aperçois que nous avons tous des parcours différents. Il existe de très bonnes écoles, très performantes et très difficiles.

Adresse utile : Société française des traducteurs, 11, rue de Navarin, 75009 Paris.

Le métier de traducteur est-il une voie d’avenir ?

Sincèrement, je me sens incapable de répondre à cette question. En ce qui me concerne j’ai toujours du travail, mais en aurais-je demain. Je traduis essentiellement de l’allemand vers le français, si à l’avenir l’anglais devient langue unique mondiale sur le marché, je serai au chômage, si les espagnols inventent le produit du siècle, mes collègues espagnols ne sauront plus où donner de la tête !

Quelles sont les principales difficultés lorsque l’on traduit ? On imagine souvent que les traductions techniques sont les plus difficiles à réaliser, est-ce le cas ?

Non, je trouve les traductions techniques plus faciles, la seule condition étant de maîtriser le vocabulaire technique correspondant, il n’y a rien à inventer, pas de style, ni de charme, ni de nuances, la description d’une machine est beaucoup plus simple qu’un texte publicitaire dans lequel on peut jouer avec les mots. Le texte doit passer sain et sauf en gardant bien évidemment la sensibilité de l’auteur et cependant “ne pas sentir la traduction”.

Qu’est-ce qui définit une bonne traduction, le fait de “coller” le plus possible au texte d’origine, le fait que la langue utilisée soit identique à celle d’un natif…?

Surtout ne pas coller au texte. Pour moi une bonne traduction est un texte que vous donnez à un natif qui ne sait pas qu’il a une traduction entre les mains. Il doit avoir l’impression de lire un texte écrit par un natif. Coller au texte uniquement dans le sens “ne rien oublier, ne pas faire de contresens, respecter le style”. C’est toute la difficulté des traductions, produire un texte comme s’il avait été écrit dans la langue-but. Il faut beaucoup de patience et dans la plupart des cas bien connaître la culture du pays de la langue d’origine.

Un mot sur la traduction automatique par des logiciels, vous y croyez ?

Non, bien sûr que non. C’est un gadget pour les touristes, afin qu’ils puissent commander leurs croissants de Vienne à Tokyo et de Paris à Chicago !

Vous êtes bilingue en allemand, vous maîtrisez l’anglais et vous parlez également italien, comment avez-vous appris ces langues ?

Ah, par cette question vous me rendez ma jeunesse ! Lorsque j’avais 16 ans, je suis partie travailler dans l’hôtellerie en Suisse pendant mes grandes vacances et j’ai rencontré des personnes maîtrisant ces quatre langues, à l’époque j’apprenais l’allemand et l’anglais à l’école, j’étais tellement fascinée et envieuse que je me suis jurée qu’à 20 ans je parlerai aussi ces quatre langues et je me suis mise à apprendre l’italien, pour nous Français c’est facile ! Comme je suis bavarde et que les langues sont une passion j’ai trouvé cela facile et merveilleux. Je vis en Allemagne depuis 20 ans, j’avoue que j’ai un peu perdu l’anglais et l’italien car je dois beaucoup investir dans le français et l’allemand pour mon travail, j’ai aussi appris un peu de turc, un peu d’arabe, un peu de tchèque, quelques mots seulement, uniquement et toujours par passion ! Si je gagnais un jour au loto (je n’y joue pas) je m’inscrirais en faculté de langues et apprendrais toutes les langues du monde…

Revenons à votre activité de traductrice sur Freelang, combien de temps y consacrez-vous ?

Je n’ai jamais calculé. En temps, difficile à dire, quelques heures par semaines. Le problème c’est que les demandeurs ne nous contactent pas pour une “aide à la traduction” mais désirent une traduction. Pour les demandes scolaires je prie les élèves de faire d’abord un premier jet, car je refuse de faire leur travail.

Quel genre de demandes les gens vous envoient-ils ?

Toutes demandes possibles et imaginables : CV, achats, ventes, devoirs scolaires, termes techniques.

Avez-vous une idée du nombre de demandes reçues depuis votre inscription ?

Ouf, des milliers, dirais-je, quelquefois 20 par semaine, quelquefois zéro !

Répondez-vous à toutes les demandes ?

Oui, je ne laisse jamais une demande sans réponse, si je ne peux pas apporter mon aide, j’envoie un e-mail et prie la personne de s’adresser à un collègue.

Vous souvenez-vous de la demande la plus insolite qui vous soit parvenue ?

Oui, c’était une Française, d’une quarantaine d’années, mariée, un enfant qui avait par hasard retrouvé son “premier amour” allemand, marié et un enfant lui aussi. Elle m’a demandé de lui traduire des lettres d’amour, en me priant de ne pas trop mettre d’amour dans ses lettres, car malgré tout elle ne voulait pas mettre son couple en péril, cependant elle désirait mettre au point une rencontre à l’insu de son mari et de la femme de son ami. J’ai traduit, puis en fin d’e-mail, je me suis permis de me donner mon opinion, en disant qu’un “premier amour” risquait malgré tout de mettre 2 couples en péril et de rendre des enfants malheureux et que écrire des lettres d’amour sans amour, c’était risqué, le jeu en valait-il la chandelle ! Cette dame ne m’a par la suite plus jamais sollicitée. J’espère qu’elle est toujours heureuse avec son mari, et que son fantasme est resté le plus beau souvenir de son “premier amour”.

La demande qui vous a le plus marquée ?

La plus insolite ci-dessus.

Quel type de demande aimez-vous recevoir ?

Toutes, c’est un jeu, un puzzle. Chaque demande correspond à une recherche dont l’aboutissement ressemble à une création dont il me reste toujours quelque chose de positif.

A l’inverse, y a-t-il des demandes qui vous agacent ?

Oui, un peu. Les demandes des élèves ou étudiants qui sont toujours assez longues (bravo à l’invention de la limite des mots, mais ils envoient 2 demandes). Car ils envoient le texte sans première traduction avec souvent ce genre de phrase “merci de bien vouloir traduire, c’est urgent…”

Je renvoie un e-mail en précisant que nous faisons une aide à la traduction et je demande un premier jet que je corrige.

Les gens que vous aidez vous semblent-ils reconnaissants ?

Ils disent tous merci.

Auriez-vous un message à faire passer aux gens qui utilisent ce service d’aide à la traduction ?

Que ceux qui parlent un peu la langue demandée fassent toujours l’effort de faire une première traduction.

Pour les demandes professionnelles, j’aimerais dire que les demandeurs semblent toujours horrifiés par les prix, qu’ils sachent que les agences prennent souvent le double des indépendants, mais surtout qu’ils soient conscients que la traduction est un travail de longue haleine et que les traducteurs ont investi des années de travail avant d’obtenir le niveau et la faculté de traduire et que finalement les prix sont relativement bas !

Souhaiteriez-vous que Freelang apporte des aménagements à ce service, si oui lesquels ?

Non.

Pensez-vous continuer cette activité ?

Oui.

Merci Armelle 🙂

 Faites-nous part de vos réactions ! Nous les transmettrons à Armelle.

 Retour au sommaire du magazine

Leave a Reply

Your email address will not be published.