Le bosnien : une langue ou bien trois ?

Des décennies ont passé depuis l’effondrement de l’ex-Yougoslavie, mais les citoyens bosniens n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente : parlent-ils une langue, ou bien trois ? Entre 1918 et 1991, la langue employée en Bosnie portait le nom de serbo-croate. Lorsque la guerre a éclaté en 1991, ce terme a disparu dans toutes les républiques yougoslaves, Bosnie incluse. En Bosnie, la langue est depuis scindée en trois : le bosnien parlé par les musulmans bosniens, le serbe parlé par les musulmans serbes, et le croate employé par les croates bosniens. La loi sur le langage de 1993 reconnait bel et bien le bosnien comme la langue nationale officielle de la Bosnie, mais la constitution de 1994 a depuis déclaré que ce pays avait trois langues officielles : le croate, le serbe et le bosnien. Le nom de la langue reste très controversé, surtout parmi les croates et les serbes : il donne l’impression que tous les citoyens de Bosnie parlent le bosnien, ce qu’ils contestent avec force.

Certains linguistes pensent que les différences entre les langues sont mineures, puisqu’elles sont mutuellement intelligibles. Ils soutiennent que ce sont simplement des dialectes distincts d’une langue commune. D’autres pensent qu’il n’existe pas d’unité de langage en Bosnie, et que les bosniaques devraient donc appeler leur langue le bosniaque et non pas le bosnien. La plupart des gens s’accordent en tous cas à penser que cette désunion de la langue sert les intérêts des élites politiques, pour qui la division du peuple en fonction de leurs différences ethniques est très profitable. Le bosnien est désormais reconnu comme l’une des trois langues officielles de Bosnie et Herzégovine.

Cette langue peut s’écrire aussi bien en alphabet cyrillique qu’en alphabet latin. En Bosnie, elle était historiquement écrite en cyrillique bosnien. Pendant l’époque ottomane, c’est l’alphabet arabe qui était utilisé. Le bosnien a emprunté des mots à d’autres langues, telles que l’arabe, le perse et le turc, en raison des interactions qui ont existé avec ces peuples, motivées par des liens islamiques très forts. On y retrouve également quelques mots issus de l’allemand.

Le bosnien est parlé par 2,2 millions de personnes, et près de 21 millions de personnes parlent une variante ou une autre de la langue serbo-croate commune utilisée précédemment en Yougoslavie. Le bosnien est également compris par les gens qui parlent croate, serbe, monténégrin et slovène. Le premier dictionnaire bosnien a été compilé en 1631 par Mohammed Hevaji.

One Comment on “Le bosnien : une langue ou bien trois ?”

  1. Je constate comme dans tous les textes qui traitent ce sujet une grande confusion entre le bosnien et le bosniaque.
    Le bosnien est le standard de la langue štokavienne adopté en Bosnie-Herzégovine. C’est un parler totalement unifié partout où les Bosniaques, Croates et Serbes vivent ensembles depuis longtemps.
    On n’ira pas dire qu’en France les catholiques et les protestants ne parlent pas la même langue !
    Par contre, dans les contrées où ces trois communautés ont toujours vécu isolément, il y a des dialectes locaux. Comme disait mon ami László, le bosniaque est le plus « typé » d’entre eux.
    De la même manière dans ma région natale on parle le picard, et tout le monde parle aussi français, mais un Français d’une autre région a bien du mal à comprendre le picard !
    Je ne vois pas pourquoi le bosnien se serait pas, non seulement la langue de la Bosnie-Herzégovine, mais aussi la référence du domaine štokavien puisqu’il est par nature consensuel, à l’inverse du bosniaque, du croate, du serbe et du monténégrin.
    Le terme « bosnien » doit beaucoup gêner. Il donne la primeur à une région et indirectement à un peuple qu’on a longtemps voulu occulter jusqu’à vouloir faire disparaître. Pourtant, de par son rôle inter-communautaire et sa position géographique centrale ce ne serait que justice que de s’y référer pour qualifier la langue slave du Sud la plus parlée.

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