De la glottophobie

Suite aux propos de Jean-Luc Mélenchon se moquant de l’accent d’une journaliste toulousaine (il a imité son accent puis demandé si quelqu’un d’autre avait “une question à lui poser en français”), la députée LREM Laetitia Avia a proposé de légiférer pour lutter contre la “glottophobie”, cette discrimination à caractère linguistique reposant sur l’accent d’une personne, et qui ne figure pas parmi les 24 cas de discrimination prévus par l’article 225-1 du code pénal. Cette loi permettrait, selon Mme Avia, d’interdire l’humilation d’une personne ou le refus de l’embaucher en raison de son accent, qu’il soit “mosellan, ch’ti, du sud, parisien ou banlieusard”.

Cette anecdote a eu le mérite de faire parler des accents régionaux, qui sont à la fois synonymes d’identité, et facteurs d’exclusion. Selon les sociolinguistes, les accents régionaux ont longtemps été associés à la ruralité, et une étude a montré que l’accent pouvait être un critère de refus d’embauche. Il fut longtemps considéré qu’avoir un accent était un handicap pour des métiers où la parole a une importance : télévision, monde du spectacle, enseignement… Le français devait être uniforme, avec une prononciation standard qui était la “bonne prononciation”.

Faut-il pour autant légiférer, alors qu’il suffirait de laisser un peu plus de place aux accents et de les valoriser ? Et peut-on mettre sur le même plan les accents régionaux et les accents sociaux ? Le fameux accent des banlieues, accent avant tout social et identitaire, est un moyen d’affirmer son appartenance à un groupe. Il est cependant mal perçu sorti des cités, au point que certains organismes d’accompagnement vers l’emploi aident les jeunes à se débarrasser de cet accent en vue de pouvoir passer des entretiens d’embauche.

Il y a donc une hiérarchie. Pour le sociolinguiste Philippe Blanchet, inventeur du terme “glottophobie”, l’accent du Midi est en haut de l’échelle : “C’est celui qui pénalise le moins car on lui attribue des bons côtés : c’est l’accent du soleil, l’accent des vacances. Ensuite, vous avez l’accent breton, alsacien, chti… Et tout en bas, l’accent des banlieues : le plus discriminant.” Mais après tout, comme le disait Fernandel…

De l’accent! De l’accent! Mais après tout en-ai-je?
Pourquoi cette faveur? Pourquoi ce privilège?
Et si je vous disais à mon tour, gens du Nord,
Que c’est vous qui pour nous semblez l’avoir très fort
Que nous disons de vous, du Rhône à la Gironde,
“Ces gens là n’ont pas le parler de tout le monde!”
Et que, tout dépendant de la façon de voir,
Ne pas avoir l’accent, pour nous, c’est en avoir…

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